Bonjour Mme Chabuel, pourriez-vous nous dire ce qu’est pour vous le village de la Motte St Martin ?
J’y suis née en 1920, le 17 mai et plus précisément aux Côtes où je vis encore aujourd’hui. Mes parents y habitaient une maison qui est devenue aujourd’hui une grange à quelques mètres d’ici.
Vous avez passé votre enfance ici ?, vous êtes allée à l’école aussi ?
Oui, dès l’âge de 4 ans j’allais à l’école des filles du village (à l’époque les écoles des filles et des garçons étaient séparées), je n’y allais que l’hiver car l’été j’aidais mes parents aux champs. Je quittais l’école au mois de Mai et je reprenais à la Toussaint. Quand j’allais à l’école, nous nous levions vers 6h00 du matin pour mener les bêtes aux champs car mes parents étaient agriculteurs et prenions ensuite le chemin de l’école à pied. A l’époque, le pont n’existait pas et nous traversions à pied le ruisseau qui sépare le hameau des Côtes du village. Nous commencions l’école à 8h00, puis à 11h00 nous faisions le voyage retour pour déjeuner à la maison et nous retournions à l’école de 13h00 à 16h00, pour ensuite rentrer nous occuper des bêtes et faire nos devoirs. L’hiver c’était un peu plus dur, les plus grands nous aidaient à marcher dans la neige et nous restions à l’école le midi. C’était des chevaux qui déneigeaient, aidés par un âne, mais ce n’était pas parfait. Je me souviens de quelques camarades, de Jeanne, George, Adèle, Élise Colonel, les frères Fayolle… J’ai quand même réussi à avoir mon certificat d’études !
Bravo, cela ne devait pas être simple quand on connait les conditions. Que s’est-il passé ensuite ?
Il y a eu la guerre, pas facile mais on était agriculteurs alors on s’en sortait pas trop mal. Pendant la guerre tout le monde avait des animaux et un jardin. Je me souviens de l’histoire de Raccord, une dénonciation qui a couté la vie à des gens qui y étaient cachés. Et en partant, les Allemands ont pris des vaches qu’ils ont mises sur le train, c’était la guerre.
Et après la guerre comment vivait-on aux côtes ?
Mais je me suis mariée pendant la guerre en 1941, à Marcieu où nous nous sommes installés quelques temps. J’avais même eu besoin de l’autorisation de mon père car je n’avais pas encore 21 ans. Puis, nous avons tenu le café de la Mairie de la Motte St Martin avec mon mari pendant 9 ans. Il y avait des bars à La Motte St Martin, il y en avait même 2 aux Côtes dont un juste à côté qui est aujourd’hui la maison de Gérard et Geneviève (Monsieur et Madame Degout). Le cabanon à coté était une épicerie tenue par une grand-tante. Nous n’avions pas l’eau courante ni l’électricité, la lampe à pétrole nous éclairait, on utilisait la fontaine pour l’eau et le four communal servait à tout le monde pour y faire le pain notamment.
Il y a eu 50 mineurs aux Côtes, mon mari en a fait partie pendant 35 ans. Il menait les chevaux dans la mine, c’était très dur. Nous avions des chevaux et je m’en occupais la journée et mon mari venait travailler avec moi après son travail à la mine.
Quel a été votre sentiment quand les mines ont fermé ?
Certains sont partis travailler aux chemins de fer. Mon mari n’y travaillait déjà plus mais on a pensé à tous ces jeunes. A cette période la mine embauchait tout le monde et quand ça a fermé, il n’y avait plus rien; et ça n’a pas beaucoup changé aujourd’hui, il faut aller loin pour travailler et habiter aux Côtes, ça n’est pas rien. C’est loin de tout.
Justement, comment faites-vous pour vous approvisionner, vous profitez des marchands ambulants ?
Oui, c’est très important pour moi, ils ont beaucoup de choses, ils sont gentils et serviables.
Comment est-ce que la nouvelle équipe municipale peut vous aider ?
Je ne sais pas mais j’ai ma voisine Geneviève qui fait quelques courses pour moi. J’ai aussi mes neveux qui me ramènent des choses.
Ce sont des belles attitudes d’entraide, nous sommes heureux de les mentionner dans ce journal.
Merci de tout cœur Suzanne de nous avoir accordé un moment pour parler de votre vie à la Motte Saint Martin. A bientôt dans le journal municipal.
Propos recueillis le 24 mai 2014 par Delphine Achard et Didier Ruiz